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TENDANCE | QUI SONT LES CAMRUNNERS, DANS L’OMBRE DES ÉLITES?

Source et crédit photo : L’ÉQUIPE | UTMB | [Extrait] L’ÉQUIPE, David Michel, 28 août 2025

Pour filmer les courses de trail running sur les sentiers, des caméramans d’un autre genre – à pied et en VTT – sont employés pour capter l’allure et les émotions au plus près des élites.

Ils courent aussi vite que les meilleurs, ils sont à un pas, un souffle, une racine, un caillou des Kilian Jornet, Vincent Bouillard, Mathieu Blanchard ou bien encore Jim Walmsley. Mais on ne les voit pas, ils sont confinés dans l’ombre des géants. Eux, ce sont les « camrunners » et « cambikers ». Leur job : courir avec les élites des trails et ultra-trails afin de filmer les plus prestigieuses courses au plus près de l’action. Comme la discipline du trail running a explosé, les retransmissions sont d’autant plus nombreuses et c’est un nouveau métier qui a vu le jour.

Il a contacté l’organisation pour être bénévole, mais très vite on lui a proposé de partir sur le Nice Côte d’Azur by UTMB 2023 dans le Mercantour. « J’ai aussitôt été plongé dans le grand bain puisque j’ai dû suivre Jim Walmsley et Théo Detienne sur le 110 km et pendant 43 km, raconte Thouvenin. Comme c’était ma première fois, j’allais un peu dans l’inconnu. Il y a un gros rythme, c’était difficile sur la fin. Mais j’ai trouvé que l’expérience était top, donc j’ai voulu rempiler. »

Les camrunners doivent avoir le niveau pour suivre les élites pendant des heures. (UTMB)

Passionné par la course à pied et spécialiste du skyrunning, Édouard Thouvenin s’entraîne tout le temps, mais avant tout pour des courses dont il a pris un dossard. « On fait tous de la compétition, et c’est aussi le jeu parfois de dire non à certains lives pour mettre un dossard sur une course. » Son profil polyvalent est un véritable atout : « Les descentes et montées raides ne me font pas vraiment peur, ni les sentiers assez techniques. » Pendant l’été, Thouvenin avale entre 16 et 20 heures d’entraînement hebdomadaire, incluant une à deux séances de vélo.
« La qualité de camrunner, ce n’est pas juste de savoir courir ou d’être fort en sport. Les qualités humaines sont aussi fondamentales »
Responsable live, logistique et plan de tournage, Thomas Gagneux gère sur une saison entre 50 et 70 indépendants capables de filmer sur le terrain, qu’ils soient runner, VTTiste ou droniste. Le recrutement est souvent un peu freestyle. « J’ai à ma disposition plusieurs outils de travail, explique Gagneux. Il y a le bouche-à-oreille qui fonctionne bien, nous avons un espace sur internet avec une annonce et puis il y a les relations sur des courses. »

La dernière fois, c’est en discutant avec son chauffeur Blablacar qu’il a trouvé un nouveau pigiste. « La qualité de camrunner, ce n’est pas juste de savoir courir ou d’être fort en sport, assure Gagneux. Il faut aussi être doué en technique et savoir résoudre des problèmes de manière très réactive. Les qualités humaines sont aussi fondamentales. »

Ils courent avec tout un matériel adequat

Une fois leur plan de tournage délivré, les camrunners préparent leur matériel, composé de deux caméras GoPro (dont une pour les ralentis), quatre clés 4G (pour les 4 opérateurs), des batteries de rechange, sans oublier les flasques, des gels et des barres. « Notre téléphone est relié à la régie, et avec des écouteurs dans les oreilles on peut échanger en permanence, explique Thouvenin. On a un retour en permanence, ils nous conseillent, nous disent parfois de faire attention à notre cadre, de faire glisser sur le coureur derrière. »

L'objectif des camrunners  : faire vivre les efforts au plus près. (DR)

Courir à une telle allure au plus près des élites, sur des distances souvent d’une quarantaine de kilomètres et sur des sentiers piégeux, occasionne parfois des chutes et des blessures. Thouvenin a vécu ça à l’UTMB lors du direct de l’OCC en 2024 en suivant la fusée Judith Wyder. « À la fin de la dernière descente, elle file très vite, raconte Thouvenin. Je tente de rester au plus près d’elle mais je tombe et je me tords une cheville, grosse entorse. J’ai serré les dents, j’ai couru avec une cheville bleue et gonflée. Ce n’est pas le top mais on est embauché pour faire un travail et on essaie autant que possible d’aller au bout. »

« On est embauché pour les trois courses, c’est génial mais ça génère pas mal de fatigue et de stress »

Cette année, Édouard Thouvenin sera une nouvelle fois à Chamonix, et pas qu’un peu. Alors qu’il a pris un dossard pour la MCC (40 km, 2 350 m D+) le lundi, il courra aussi caméra à la main une partie de l’OCC (57 km) le jeudi, la CCC (101 km) le vendredi, avant de partir sur la course reine, le 174 km. Les journées promettent d’être longues et les nuits très courtes : « On est embauché pour les trois courses, c’est génial mais ça génère pas mal de fatigue et de stress. On se couche généralement vers minuit et on se lève vers 4h-4h30. »
Édouard Thouvenin en action. (DR)

Entre 250 et 300 euros la journée de tournage

Lui qui est en étude de commerce enchaîne les tournages. Fin juillet, il en était à son 9e de l’année, après notamment Chianti, la MaXi-Race et le Marathon Mont-Blanc (alors qu’il a couru le 23 km). Et ce mois-ci, avant l’UTMB, il était sur la manche des Golden Trail World Series en Autriche. Pour chaque journée de tournage, il empoche entre 250 et 300 euros. Loin d’être volés. « J’ai toujours plus de courbatures le lendemain d’un tournage qu’après un gros entraînement. Car on tient la caméra, on est crispé car on doit bien cadrer et aussi regarder où on met les pieds. Les descentes, ça tend les fibres, le corps ramasse. »

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