TENDANCE | PRENDRE SOIN DE SA SANTÉ

Source et crédit photo : LA PRESSE | Patrick Sansfaçon | [Extrait] LA PRESSE, Patrick Lagacé, 30 novembre 2025

Rassurez-vous, ce ne sera pas une énième chronique sur les gouvernements-qui-sont-tous-pareils, en matière de santé.

C’est une chronique sur notre santé. Celle sur laquelle nous avons un brin de contrôle et qui ne relève pas – enfin, c’est à moitié vrai – de l’État.

J’ai échangé ces derniers jours avec deux médecins dont les propos m’ont ébranlé. Ils m’ont rappelé un angle mort du système de santé : notre responsabilité individuelle.

Le Dr Michael Samman, médecin de famille, m’a écrit pour me dire que dans le débat sur la loi 2, on parle beaucoup de la responsabilité des médecins de prendre en charge les Québécois, notamment les 1,2 million de Québécois sans médecin de famille.

Il m’a dit : cela est juste et bon, chaque Québécois devrait avoir son médecin de famille.

« Mais on parle trop peu de la responsabilité personnelle de chaque Québécois de prendre soin de sa santé. Les saines habitudes de vie. Une diète équilibrée et de l’activité physique. »

Le Dr Samman m’a envoyé une célèbre étude scientifique1 sur la santé cardiovasculaire qui porte sur le VO2 max, soit le volume maximal d’oxygène que le corps peut utiliser par minute lors d’un effort intense – c’est, semble-t-il, le meilleur indicateur de la capacité cardiovasculaire.

Plus de 122 000 personnes ont participé à l’étude, sur une période de 23 ans.

Conclusion : la meilleure chance que nous avons de vivre longtemps, et de vivre en santé – en évitant des maladies chroniques comme le cancer, le diabète, les maladies du cœur –, c’est d’améliorer notre cardio.

Plus vous êtes en forme, moins vous risquez de mourir jeune.

Moins vous êtes en forme, plus vous risquez de mourir jeune.

L’idée n’est pas forcément d’avoir un cardio de marathonien. C’est d’en avoir un bon, minimalement. Chaque gain ajoute des années de qualité de vie.

« Le simple fait de passer de la catégorie “faible forme physique” à la catégorie “inférieure à la moyenne”, me dit le Dr Samman, entraîne une réduction de la mortalité de 50 % sur dix ans. »

L’autre médecin avec qui j’ai échangé s’appelle Jean-Luc Dupuis et pratique depuis des décennies dans Charlevoix. Lui aussi m’a parlé de l’importance de prendre sa santé en charge, avec un terme que je n’avais jamais entendu, qui devrait être répandu : la santé durable.

Chaque gouvernement de ce demi-pays est élu en promettant de réformer le système de santé. Chaque gouvernement depuis près de 50 ans a échoué.

On peut chialer, et on le fait. On peut les critiquer, et on le fait. Mais force est de constater que nous nous négligeons. Chacun ne vient pas au monde avec la même génétique, avec la même prédisposition à l’activité physique. J’en conviens et je ne veux culpabiliser personne. Mais nous sommes de plus en plus sédentaires. Nos enfants aussi. Ça fait des adultes qui ont besoin du système de santé plus souvent et plus jeunes.

Oui, le gouvernement a sa part de responsabilité dans l’accès au système de santé. Mais nous avons, nous aussi, une responsabilité – individuelle –, celle de tout mettre en œuvre pour éviter les hôpitaux le plus possible.

Une partie du manque d’accès aux soins de santé, aujourd’hui, s’explique par le vieillissement de la population. C’est vrai, mais c’est aussi un mauvais vieillissement qui plombe le système : des vieux qui n’ont pas été en forme quand ils étaient jeunes, ça donne des vieux qui seront aux urgences souvent.

Et si vous pensez que les choses s’améliorent, que les plus jeunes sont plus en forme, je suis désolé de péter votre balloune : en 2022, une étude québécoise a montré que les enfants – de 6 à 17 ans – étaient plus en forme en 1982 que de 2014 à 20172.

Les chercheurs ont comparé les résultats de milliers de jeunes écoliers au test navette du Québécois Luc Léger – le fameux test bip-bip3.

Et 35 ans plus tard, les résultats sont effrayants :

Le VO2 max des garçons a chuté de 18 % ; chez les filles, de 12,2 %.
Le VO2 max des enfants de 6 ans a lui aussi baissé chez les garçons (7,6 %) et chez les filles (8,3 %).
La majorité des garçons (58 %) et des filles (70 %) étaient en si piètre forme que leur capacité cardiovasculaire ne les protégeait pas contre le développement de problèmes de santé majeurs : en 1982, tous les groupes d’âge étaient largement au-dessus de la zone critique.
Ces écoliers étudiés de 2014 à 2017, ce sont les adultes de demain et les jeunes adultes d’aujourd’hui.

Je cite le chercheur Mario Leone : « Tout le monde regarde en avant et voit la vague des personnes âgées qui développent des maladies chroniques. Mais si tu te retournes et que tu regardes en arrière, ce n’est pas une vague qui s’en vient. C’est un tsunami. »

Un tsunami de malades qui vont continuer à surcharger nos médecins, nos hôpitaux.

Ce bout-là, se garder en forme, ça nous appartient. Là-dessus, on ne peut pas juste blâmer le gouvernement.

Là où on peut blâmer le gouvernement, c’est sur la prévention. Ce message sur la santé qui se maintient par la capacité cardiovasculaire, il devrait être martelé ad nauseam par l’État québécois, sur toutes les tribunes et de toutes les façons.

Je vous laisse, je m’en vais au gym – un peu pour être moins hideux à poil, beaucoup pour réduire mes chances de sécher dans un couloir d’hôpital.

Pédaler, courir, marcher, monter des marches, jouer au hockey, faire de la danse aérobique (ça existe encore, au fait ?) : là-dessus, on ne peut pas critiquer le gouvernement…

Ça commence, et ça finit, avec soi.

[…]

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