TENDANCE | TRUDEAU EXPOSÉ À UNE « FAILLE DE SÉCURITÉ MAJEURE »

Source et crédit photo : LA PRESSE | [Extrait] LA PRESSE, Jean-Hugues Roy, 19 mars 2025

Un agent responsable de la sécurité du premier ministre a publié près de 50 parcours de course à pied sur l’application sportive Strava depuis 2021. Les données auraient pu permettre de localiser précisément l’ex-premier ministre Justin Trudeau et sa famille dans une douzaine de lieux différents, au Canada comme à l’étranger.

Des experts dénoncent les risques que pose une utilisation imprudente de Strava.

Jonathan est un gars en forme. Résidant de la banlieue d’Ottawa, il a publié 264 parcours sur Strava, une application qui enregistre les performances sportives et permet de les publier, sur le même principe qu’un réseau social.

L’ennui, c’est que Jonathan fait partie du PPPM, le Peloton de protection du premier ministre du Canada. Des dizaines de parcours que le garde du corps a diffusés depuis bientôt quatre ans révèlent les endroits où Justin Trudeau a probablement résidé lors de ses voyages à l’étranger.

« C’est un risque évident », déplore Jean Loup Le Roux, expert en cybersécurité. « Tout professionnel du milieu de la sécurité […] qui se respecte devrait y voir un problème majeur de sécurité nationale. » Calvin Lawrence, ex-officier de la Gendarmerie royale du Canada qui a notamment enseigné la protection des personnalités à la GRC, est d’accord : « C’est une faille de sécurité majeure. »

49 trajets problématiques

La Presse a identifié 49 trajets diffusés sur Strava par ce garde du corps du premier ministre. À l’étranger, ils commencent et se terminent souvent devant des hôtels quatre ou cinq étoiles – ou tout près – où Justin Trudeau et son équipe, ou sa famille, ont probablement séjourné.

À Ottawa, l’agent a publié 16 parcours dont l’origine et la destination sont, chaque fois, la résidence officielle du premier ministre, Rideau Cottage. Si le lieu est connu, et bien sécurisé, les trajets semblent révéler les rues que Justin Trudeau a pu emprunter pour faire son jogging.

Cette régularité peut être exploitée par des adversaires, dit Jean Loup Le Roux : « Si on fait face à des gens qui sont motivés […] qui sont organisés avec des moyens suffisants, c’est très problématique d’avoir ce type d’informations là dans la nature. »

La déontologie transgressée ?

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) dit prendre « très au sérieux » les manquements de ses employés à ses « politiques et directives concernant l’utilisation responsable des médias sociaux ».

Dans un courriel, Marie-Eve Breton, agente de relation avec les médias, précise que les membres de missions de protection « ne doivent en aucun cas publier de contenu sur les sites de réseautage social concernant les affectations, les fonctions régulières ou les opérations de la GRC ».

Les publications de Jonathan pourraient contrevenir à l’article 9.1 du Code de déontologie de la GRC, selon lequel les renseignements que les membres obtiennent ne doivent être utilisés qu’aux « fins de l’exercice de leurs fonctions ». Selon Calvin Lawrence, qui a déjà été garde du corps du président américain Bill Clinton lorsqu’il a visité le Canada, « mettre l’itinéraire d’une personne qu’on protège sur un réseau social est une transgression du serment que prêtent les agents de la GRC ». Sans compter que cela risque aussi de mettre la sécurité de ses collègues en danger, pense-t-il.

Le comité de déontologie de la GRC a rendu des décisions contre 132 agents et civils employés depuis 2016. Aucune ne concerne un membre du Peloton de protection du premier ministre.

Le Cabinet du premier ministre n’avait pas répondu à deux demandes de commentaires de La Presse. À 16 h 00, le 18 mars, les publications problématiques étaient toujours en ligne sur le profil de Jonathan dans l’application Strava.

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