VULAGARISATION SCIENTIFIQUE | LA PAUSE ANNUELLE, UN SECRET POUR LA LONGÉVITÉ DU COUREUR

La pause annuelle, soit « le off-season », est une notion moins explorée au sein de la communauté de chercheurs en course à pied [1]. En effet, il s’agit d’une phase d’entraînement qui n’est pas autant activement étudiée. On y retrouve moins de données probantes et cela implique que davantage de discours divergents voient le jour à son sujet. D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est qu’il s’agit d’une phase d’une durée variable. En effet, selon vos objectifs et vos contraintes, il est possible de moduler la durée de votre « off-season ».

Toutefois, la durée habituelle de cette phase est de 2 à 6 semaines lorsque l’on considère que les adaptations cardiovasculaires commencent souvent à diminuer après 4 semaines de réduction ou d’arrêt de l’entraînement [3]. La pause annuelle survient habituellement à la suite du dernier objectif de course de la saison et joue le rôle de clôturer la saison pour plusieurs coureurs qu’ils soient amateurs ou élites.

Comme il n’existe pas de recommandation universelle pour toutes les distances et réalités de coureurs, nous prendrons l’exemple du marathon (42,2 km), qui s’accompagne généralement de la période de repos post-compétition plus longue (hors ultras). Par la suite, cela vous permet de mieux ajuster la durée de votre repos, à la hausse ou à la baisse, selon la distance et l’intensité de votre épreuve.

Le repos du corps

Il est important de comprendre les effets qu’un marathon peut avoir sur notre corps. Nous allons nous concentrer sur deux marqueurs physiologiques : les niveaux de cortisol et de créatine kinase dans le sang (la créatine kinase est un marqueur important des dommages musculaires, et son taux augmente après un effort intense). Une étude de Maron et al. (1977) [4] a montré qu’il y a une baisse significative du cortisol jusqu’à trois jours après la course.

Cette diminution peut entraîner fatigue, difficultés de concentration et affaiblissement du système immunitaire. En revanche, Bernat-Adell et al. (2021) [5] soulignent que les niveaux de créatine kinase peuvent rester élevés jusqu’à six jours après un marathon. Pour cette raison, ces auteurs recommandent de s’abstenir de course et d’entraînement intense pendant les quatre premiers jours suivant l’événement. De plus, Wiewelhove et al. (2018) [6] démontrent que pratiquer de manière précoce la course à faible intensité, peut avoir un impact négatif sur la récupération.

Lors de la reprise d’activités sportives, on en conclu qu’il préférable de s’adonner à d’autres type d’activités que la course pour commencer.

Le repos de l’esprit

Nous avons vu que le corps a besoin de repos, mais qu’en est-il de notre esprit ? De Jonge et al. (2020) [7] soulignent l’importance de se détacher mentalement de la course pour favoriser la récupération. Ce détachement consiste à mettre de côté la course et à se déconnecter mentalement après un entraînement ou une compétition. L’étude montre que la passion harmonieuse pour la course, qui implique un équilibre avec d’autres activités, est essentielle pour prévenir les blessures et maintenir une santé durable.

Pour conclure cette partie, il est clair que l’esprit a également besoin d’une pause de la course, même si la durée de ce « sevrage » peut varier d’une personne à l’autre.

Le désentraînement

À ce stade, vous comprenez probablement l’importance de faire une pause, mais vous vous demandez peut-être si vous allez perdre de votre forme physique? Parlons donc du désentraînement, qui se réfère à la perte de condition physique qui survient lorsque l’on réduit ou interrompt son activité. Une étude de Barbieri et al. (2024) [8] révèle qu’une pause de deux semaines peut entraîner une diminution de 5 % de la VO2max. Cependant, aucune modification significative n’a été observée dans l’économie de course ou l’endurance musculaire après ces deux semaines.

Il est donc conseillé de maintenir environ 30 % de votre volume d’entraînement habituel pour éviter de perdre vos acquis. Avec tout ce que nous avons appris, il est intéressant d’entendre l’avis d’autres professionnels du domaine. Richard Chouinard, un coureur chevronné des années 1970, dit : « Il est inévitable de perdre un peu de forme, mais cette baisse temporaire est souhaitable pour revenir au même niveau ou même progresser. Un repos annuel est bénéfique. Le corps a besoin de moments de réduction de charge pour se préparer à la suite de l’entraînement. Sinon, le surentraînement guette. » (Chouinard, 2020) [9].

Nos recommandations post-événement, dans le cas d’un marathon :

Somme toute, une pause bien méritée est nécessaire pour la longévité de votre pratique et vos futures performances. Voici donc nos recommandations finales pour assurer la réussite de votre pause annuelle d’entraînement, suite à une performance de longue distance !

0 à 4 jours : Ne planifiez aucun entraînement sportif après votre performance. Concentrez-vous sur un sommeil réparateur et des repas complets. De manière complémentaire vous pouvez pratiquer des massages, et, si possible, des bains froids pour favoriser la récupération.

4 à 7 jour : Lorsque les courbatures et la fatigue générale sont partis, commencez à pratiquer des activités légères sans impact (type d’exercice qui n’implique pas de saut). Cependant, nous croyons plus prudent de ne pas reprendre la course durant cette période.

La reprise de la course (entre les jours 7 à 14) : Le moment de la reprise est flexible. Plus la distance et l’intensité de l’épreuve sont grandes, plus il est recommandé d’allonger la pause. Cela peut aller jusqu’à 14 jours.

Voici quelques astuces si l’on souhaite conserver nos gains en performance durant la reprise [1,2 & 3] :

  • Réduction du volume, la reprise peut débuter à partir de 30% du volume d’entraînement habituel hebdomadaire en course à pied
  • Réduction de la fréquence d’entraînement d’environ 50% (en lien avec la réduction du volume)
  • Conserver une intensité d’entraînement similaire à ce qu’elle était avant l’évènement (si l’on désire optimiser le maintien de nos performances!)
  • Intégrer (ou substituer des sorties de course à pied par) des séances d’autres sports pour profiter d’un peu de variation, comme du vélo, de la nage ou du ski!
  • Intégrer des séances d’entraînement musculaire (afin d’améliorer vos qualités musculaires pour optimiser votre forme physique). C’est un bon moment pour régler les bobos avant votre prochaine saison!

Ce qu’il faut garder en tête, c’est qu’il est important de prendre du repos bien mérité à la suite d’une période d’entraînement intensive. Toutefois, dans une optique de conserver nos capacités développées et de garder en tête l’arrivée éventuelle de la prochaine saison, il incombe de conserver un certain temps d’entraînement!

Dans le cadre d’un demi-marathon ou d’un autre évènement de moins longue durée qu’un marathon, il faut garder en tête que la structure de reprise reste la même, mais que la durée de la phase de transition (pause de course) peut être modifiée. L’important, c’est d’écouter et de se fier aux signaux de notre corps !

Exemple: Jambe-Atiste vient de courir un demi-marathon. Il effectue une phase de transition adéquate après celui-ci en débutant par une pause générale de sports d’une durée de 3 jours, suivie d’une reprise d’activités aérobies via une légère sortie à vélo à la 5e journée et d’une reprise progressive de la course après 7 jours puisqu’il souhaite maintenir sa forme en vue d’un évènement futur ! Bien joué Jambe-Atiste !

Bibliographie :

[1] Senneville, M. A. (2021). La phase de transition en périodisation de l’entraînement: une analyse des pratiques des entraîneurs de course à pied d’endurance (Doctoral dissertation, Université du Québec à Trois-Rivières).

[2] McConell, G. K., Costill, D. L., Widrick, J. J., Hickey, M. S., Tanaka, H., & Gastin, P. B. (1993). Reduced training volume and intensity maintain aerobic capacity but not performance in distance runners. International journal of sports medicine, 14(01), 33-37.

[3] Mujika, I., & Padilla, S. (2000). Detraining: loss of training-induced physiological and performance adaptations. Part II: long term insufficient training stimulus. Sports medicine, 30, 145-154.

[4] Maron, M. B., Horvath, S. M., & Wilkerson, J. E. (1977). Blood biochemical alterations during recovery from competitive marathon running. European journal of applied physiology and occupational physiology, 36(4), 231–238.

[5] Bernat-Adell, M. D., Collado-Boira, E. J., Moles-Julio, P., Panizo-González, N., Martínez-Navarro, I., Hernando-Fuster, B., & Hernando-Domingo, C. (2021). Recovery of Inflammation, Cardiac, and Muscle Damage Biomarkers After Running a Marathon. Journal of strength and conditioning research, 35(3), 626–632.

[6] Wiewelhove, T., Schneider, C., Döweling, A., Hanakam, F., Rasche, C., Meyer, T., Kellmann, M., Pfeiffer, M., & Ferrauti, A. (2018). Effects of different recovery strategies following a half-marathon on fatigue markers in recreational runners. PloS one, 13(11), e0207313.

[7] de Jonge, J., Balk, Y. A., & Taris, T. W. (2020). Mental Recovery and Running-Related Injuries in Recreational Runners: The Moderating Role of Passion for Running. International journal of environmental research and public health, 17(3), 1044.

[8] Barbieri, A., Fuk, A., Gallo, G., Gotti, D., Meloni, A., La Torre, A., Filipas, L., & Codella, R. (2024). Cardiorespiratory and metabolic consequences of detraining in endurance athletes. Frontiers in physiology, 14, 1334766. https://doi.org/10.3389/fphys.2023.1334766

[9] Chouinard, R. (2020, 12 novembre). L’essentielle transition. KMag.

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Source et crédits photos :
  • Article : Le Premier Pas
  • Illustration : Samuel Fortin
  • Diffusion : TOUT-COURT