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CONSEILS | LES BLESSURES CUTANÉES AUX PIEDS, PREMIERS ADVERSAIRES DES TRAILEURS

Source et crédit photo : L’ÉQUIPE | J. Prévost | P. Gherdoussi | J. Faure | [Extrait] L’ÉQUIPE, Léna Guiheneuf, 28 août 2025

Ampoules, hématomes sous-unguéaux… Les blessures cutanées sont les maux les plus fréquents dans le monde du trail et de l’ultra-trail. Voici comment y faire face et tenter de prévenir leur apparition.

Le tableau n’est pas très ragoûtant, certes, mais il mérite d’être étudié de près : aucun coureur, ou presque, n’échappe à ces saletés d’ampoules ou ongles violets. Pas même les trailers les plus aguerris. Blandine L’Hirondel, troisième de l’UTMB en 2023, a conclu les 170 km et 10 000 m de dénivelé positif de l’édition 2024 en 5e position (première Française) à bout de forces, après avoir souffert tout au long de l’épreuve au niveau des orteils. « Après la course, mes pieds étaient dans un état catastrophique, se souvient-elle. Quelques semaines après, il ne me restait qu’un seul ongle sur les deux pieds… »
On le sait peu, mais les blessures cutanées (les phlyctènes, dues à une friction dans la chaussure ; les hématomes sous-unguéaux, dus à un choc ou à un manque de puissance musculaire pour retenir le corps en descente ; la macération et la formation de crevasse, dû à l’humidité dans les chaussures) sont les maux les plus courants lors de trails et ultra-trails, devant les lésions musculaires comme les crampes ou les entorses. Sur l’UTMB, dont le départ est donné ce vendredi 29 août, les ampoules représentent ainsi « 76 % des visites », indique Marie-Charlotte Alex, responsable des podologues sur cet ultra.

Prévenir, plutôt que soigner. Ici, un podologue perce à l'aide d'une seringue l'ampoule d'un participant de l'UTMB. (P. Gherdoussi/L'Équipe)

Entre 6 et 16 % des abandons sur l’UTMB sont dus à des problèmes dermatologiques

« Lorsqu’on en souffre, on adapte sa foulée pour éviter d’avoir mal et cela déclenche des pathologies sous-jacentes aux chevilles ou aux genoux, développe Olivier Garcin, podologue du sport et responsable durant une vingtaine d’années des podologues sur l’UTMB. Selon les études, entre 6 et 16 % des abandons sont dus à des problèmes dermatologiques mais beaucoup d’abandons sont en réalité sous-évalués. Les gens s’arrêtent pour des problèmes de genoux ou de chevilles consécutifs à une friction au niveau du pied. » La présence de phlyctènes augmente en effet de 50 % le risque de blessures.

Inutile de bander tout un pied pour une petite ampoule ou d’appliquer des pansements hydrocolloïdes : vous risqueriez d’empirer la situation, jusqu’à l’infection de la plaie. « Il y a plusieurs années, j’ai dû faire abandonner un coureur qui se trouvait alors en 5e position de l’UTMB pour cette raison, se souvient Olivier Garcin. Il était dégoûté de devoir s’arrêter pour une ampoule. [Le sentiment de frustration] est encore plus vrai quand il s’agit de Monsieur ou Madame Tout-le-Monde, qui met des années à s’inscrire à une course comme celle-là. »

Meurtris par les chocs, les frottements et l'humidité à l'intérieur des chaussures, les pieds sont les principales sources de blessures en trail et en ultra-trail. (P. Gherdoussi/L'Équipe)

On sollicite le podologue pour soigner, pas assez en préventif

La mise en place, en 2021, de l’« UTMB Index » (indice de référence permettant d’évaluer les performances d’un trail runner), a conduit à réduire le nombre d’interventions mais le problème persiste sur les compétitions de qualification. « Il y a un vrai manque de sensibilisation sur le sujet, concède Guillaume Droz-Bartholet et Bénédicte Jonqua, podologues suisses bénévoles sur la Swiss Peak et le Marathon des Sables. Les trailers, amateurs comme professionnels, ne prennent pas l’initiative d’aller consulter un podologue. Ils viennent nous voir car ils ont des douleurs. Ils nous sollicitent donc en curatif, mais très peu en prévention. » Ces consultations permettent néanmoins d’avertir sur le sujet, au même titre que les interventions d’urgence pendant les courses, où les médecins en profitent pour faire de la pédagogie.

« Jamais un problème cutané ne m’a fait abandonner. Mais ça a pu diminuer mon plaisir et entacher ma performance, car le fait d’avoir des pieds en mauvais état représente un handicap mental et physique au moment de chaque appui. »

Sébastien Raichon, premier vainqueur de la Chartreuse Terminorum, en 2023

« Jamais un problème cutané ne m’a fait abandonner, note Sébastien Raichon, premier finisher de la Chartreuse Terminorum (Barkley française) en 2023. Mais ça a pu diminuer mon plaisir et entacher ma performance, car le fait d’avoir des pieds en mauvais état représente un handicap mental et physique au moment de chaque appui. »

Comme beaucoup, Sébastien Raichon a appris de ses erreurs. En 2020, lors de sa première traversée des Alpes en mode record, le traileur, aujourd’hui âgé de 53 ans, comptait plusieurs ampoules après moins de 24 heures de course. « J’ai énormément progressé là-dessus depuis, concède le double vainqueur du Tor des Glaciers (2022, 2023), course à laquelle le Français va de nouveau participer cette année (12-20 septembre). Maintenant, je tanne mes pieds et les hydrate et je vais voir un pédicure-podologue quinze jours avant une compétition. »

Les pieds de la légende Kilian Jornet, quadruple vainqueur de l'UTMB, soit le record de victoires sur l'épreuve. (J. Faure /L'Équipe)

Car si les ampoules et les hématomes sous-unguéaux dépendent inévitablement de facteurs extérieurs (météo, chocs…), il reste possible de prévenir leur apparition, disent les spécialistes. « En réalisant un tannage, par exemple, explique Olivier Garcin, avant de détailler la manoeuvre : « Le matin, vous vous massez les voûtes plantaires avec du citron. Le jus va venir agresser la peau, laquelle va se défendre en s’épaississant et en se renforçant. Pour éviter qu’elle ne s’assèche, le soir, vous appliquez du beurre de karité ou une crème anti-frottements. »

« En prévention, il est aussi important de réaliser un bilan et un soin podologique, ajoutent Guillaume Droz-Bartholet et Bénédicte Jonqua. Pour avoir une belle coupe d’ongles, il faut éviter les ongles incarnés et enlever les zones de kératose (cornes). Mais une consultation la veille ou deux jours avant de prendre le départ, ce n’est pas suffisant. Il faut consulter au minimum une semaine avant. Un soin peut en effet provoquer une réaction inflammatoire qui se transformera en blessure si le délai de cicatrisation n’est pas assez long. » Blandine L’Hirondel explique ses problèmes cutanés lors de la dernière édition de l’UTMB par un soin reçu trop tardivement. Cette année, en vue de sa participation à la CCC (ultra-trail Courmayeur-Champex- Chamonix, le 29 août), l’athlète a pris rendez-vous trois semaines en amont.

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