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DÉFI | LE GR-A1 EN SOLITAIRE – LA TRAVERSÉE MÉMORABLE DE CHARLOTTE LEVASSEUR-PAQUIN

Source et crédit photo : DISTANCES+ | Marie-France Lécuyer | Charlotte Levasseur Paquin | [Extrait] DISTANCES+, par Franck Berteau, 15 mars 2025

Sentier mythique : le GR-A1, au cœur des Appalaches québécoises, en solitaire.

Parcourir les 650 km du GR-A1 : le témoignage de l’ultra-traileuse québécoise Charlotte Levasseur Paquin.

En entamant son périple à travers la Gaspésie, au matin du 18 juin 2021, Charlotte Levasseur-Paquin se souvient encore des sentiments « d’euphorie » et de « liberté » qui l’ont envahie. Enfin seule sur les bords de la rivière Ristigouche, frontière naturelle entre le Nouveau-Brunswick et le Québec, la physiothérapeute de 31 ans avait soudainement senti un poids la quitter, celui de l’impatience des jours d’affûtage et du stress qui culmine à l’approche de telles aventures. Des mois qu’elle attendait de se retrouver là, au départ du sentier international des Appalaches, le fameux GRA1, une trace longue de 650 kilomètres qui s’étire de la vallée de la Matapédia jusqu’au phare du Cap Gaspé. Native de Chandler, cité côtière au sud de la péninsule, la coureuse rêvait d’autant plus de ce voyage qu’il allait lui permettre de sillonner en intégralité son territoire d’origine. Une sorte de retour aux sources version XXL.

Les prémices du projet remontent sans doute à quelques années auparavant, lorsque la jeune femme, alors monitrice pour des camps d’été, s’était montrée intriguée par les panneaux de balisage de l’itinéraire, dressés dans la forêt, au cœur des monts Chic-Chocs. Vient ensuite, en août 2021, la performance de l’ultratraileur Mathieu Blanchard. En pleine pandémie de Covid-19 responsable de l’annulation de la plupart des compétitions, le Franco-Canadien s’était lancé dans une tentative de record du parcours, un « Fastest Known Time » (FKT) encore libre de toutes marques tant sa réalisation d’une seule traite, à ces allures, semblait à l’époque une folie. Accompagné d’une équipe d’assistance – dont l’athlète québécoise Marianne Hogan -, le récent vainqueur de la Diagonale des Fous (2024) et du Yukon Arctic Ultra (2025) était parvenu au bout de sa traversée en 7 jours, 12 heures et 4 minutes.

« Pour moi, cela a constitué un déclic, raconte Charlotte Levasseur-Paquin. J’avais la preuve qu’on pouvait entreprendre ce sentier en mode « fast packing », c’est-à-dire le moins chargée possible. Jusque-là, je ne m’y étais pas sentie autorisée, surtout en tant que femme, dans une société qui nous conditionne encore trop à nous croire moins capables que les hommes. » À la différence du coureur du Team Salomon, c’est même en solitaire que la physiothérapeute s’est projetée sur ce trajet réputé inhospitalier en raison de la technicité du terrain et de la densité de la végétation, de l’humidité ambiante ou encore de l’isolement de certaines portions, véritablement coupées du monde. « J’aime me retrouver en autonomie, confirme-t-elle. Passer des heures dans ma tête, faire des feux le soir, ne pas savoir si des animaux vont surgir ni ce que la météo me réserve mais être parée pour affronter mentalement tous types d’éventualités. »

Une fois prise la décision de tenter l’aventure, un compte-à-rebours s’est déclenché. Une préparation aux nombreuses ramifications. La jeune femme a étudié rigoureusement l’ensemble des cartes topographiques de la région, les données kilométriques ainsi que le dénivelé. Son entraînement a également évolué. Installée à Montréal, Charlotte Levasseur-Paquin a multiplié les sorties au Mont-Royal et les randonnées aux alentours de la ville, en fin de semaine. Son volume hebdomadaire a augmenté. Elle s’est mise à la musculation. Autre enjeu majeur : la logistique. Au cours des mois précédant son expédition, la coureuse a dû choisir son matériel avec soin, être sûre d‘emporter l’essentiel tout en s’allégeant au maximum pour avancer plus vite, compter le moindre gramme, arbitrer entre une tente ou un abri de fortune. « Pour dormir, j’ai opté pour une bâche que je faisais tenir avec mes deux bâtons », illustre-t-elle.

Prévoir ses ravitaillements avec précision représente par ailleurs une épreuve à part entière. Là encore, un arbitrage rigoureux s’avère nécessaire. Dans l’optique d’un « fast packing », il faut calculer ses dépenses caloriques quotidiennes de façon à disposer de quoi les compenser en permanence. Sans pour autant s’alourdir pour l’ensemble du voyage. « Je m’étais confectionnée ma propre nourriture déshydratée, explique la physiothérapeute. Je l’avais ensuite divisée en différents paquets que je récupérais au fil de ma traversée. » Sur le GRA1, celles et ceux qui le souhaitent ont la possibilité de s’envoyer à l’avance des colis alimentaires tout au long du parcours, dans des bureaux de poste ou des boîtes de dépôts prévues à cet effet. Le site officiel du sentier international des Appalaches – Québec recense ainsi, par secteur, les services de livraison disponibles.

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