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TENDANCE | LE VRAI SENS DE LA COURSE, CE N’EST PAS LA VITESSE, MAIS LE RYTHME

Source et crédit photo : RTBF |  |  [Extrait] RTBF, Pascal Claude, 24 mai 2025

La course à pied, un sujet philosophique ? C’est la question que se pose le professeur de philosophie Simon Brunfaut à l’occasion des 20 km de Bruxelles dans « A quoi tu penses ? », le billet philo de « Dans quel Monde on vit ».

Aujourd’hui, nous vivons dans une société de l’hyper-mobilité et de l’accélération, de la course permanente. La norme, c’est la vitesse. Il faut toujours aller plus vite, c’est comme si tout est devenu marathon.

Et on court après quoi, au fond ? On court après des tas de choses dans la vie. Après le temps, par exemple, comme le lapin dans Alice au pays des merveilles. Mais on court aussi après le plaisir, le bonheur, l’amour, le sexe, le pouvoir, l’argent, etc. Mais ce n’est peut-être pas ça le vrai sens de la course…

Les philosophes ne traitent jamais de la course à pied

Force est de le constater : les philosophes ne traitent jamais de la course à pied. Ce n’est pas leur truc : les baskets, le short, les marathons, la sueur, etc. Alors bien sûr, Il y a des philosophes qui marchent : Platon, Kant, Rousseau, Nietzsche ou encore Aristote. Mais des philosophes-coureur, il n’y en a pas. Comment expliquer cela ? Deux raisons sans doute : d’abord, pendant longtemps, le philosophe s’est un peu méfié de son corps. Dans la tradition philosophique, on a souvent opposé le corps à l’esprit : le corps représente plutôt un problème qu’un atout. Il faut l’apprivoiser en quelque sorte, mais sans le laisser prendre le pouvoir. Or, dans la course justement, le corps prend vraiment le dessus : le but est bien, lorsque l’on court, de se  » vider la tête « , comme on dit. Et puis, la philosophie, de manière générale, a souvent choisi l’immobilité plutôt que la mobilité, le stable plutôt que le mouvant et le fugace. On imagine plus les philosophes accouder à une table qu’en train de courir un 100 mètres…

Et pourtant courir, c’est aussi philosophique. Le philosophe Guillaume Le Blanc, qui s’est intéressé à cette question, dit ceci :  » Le coureur, le vrai, court avec lui-même et non après quelque chose « . Fini la performance ! Pour lui, la course implique à la fois un dialogue intérieur et un autre rapport avec le monde.  » C’est ça qui est extraordinaire quand on court, dit-il encore, je peux entrer en moi en même temps que je sors de moi.  » Quand vous courez, vous cessez d’avoir un rapport utilitaire au monde et aux choses, vous devenez un élément du paysage dans lequel vous vous insérez brièvement, et vous comprenez ceci : dans la course comme dans la vie, on ne fait que passer.

La course nous apprend à trouver notre propre rythme dans un monde qui ne jure que par la vitesse.

Plus encore : pour Guillaume Le Blanc, le vrai sens de la course, ce n’est pas la vitesse, mais le rythme. Courir ne consiste pas à aller toujours plus vite, comme on nous le répète souvent, mais à trouver un rythme. On ne peut pas courir à la place des autres et on ne peut pas courir à la manière des autres : la course nous encourage à réaliser les choses par nous-mêmes, à notre façon. La encore, on peut en tirer une bonne leçon philosophique : la course nous apprend à trouver notre propre rythme dans un monde qui ne jure que par la vitesse.

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